Les petits mammifères sont des éléments clés de nombreuses maladies transmises par les tiques.
Les petits mammifères sont des éléments clés de nombreuses maladies transmises par les tiques. En effet, ils sont à la fois des hôtes privilégiés pour le nourrissage des stases immatures des tiques, parasites hématophages1 et des "réservoirs" d'agents pathogènes zoonotiques2 (bactéries, virus et protozoaires). Pour étudier les facteurs influençant l'infection de ces petits mammifères par ces agents infectieux, les auteurs de l’article publié en octobre 2017 dans Environmental Microbiology, dont Grégoire Perez et Alain Butet d’ECOBIO, ont piégé des petits mammifères et collecté des tiques au printemps et à l'automne 2012 et 2013 sur 24 sites dans un paysage rural de 10 x 15 km (la Zone Atelier Armorique, en Bretagne, France). Des échantillons de tissus ont été ensuite analysés par PCR pour détecter deux types d’agents infectieux : Anaplasma phagocytophilum, un groupe de bactéries parmi lesquelles appartiennent les agents de l'anaplasmose humaine, et Borrelia burgdorferi sensu lato, le groupe de bactéries responsables de la maladie de Lyme.
Parmi les deux espèces dominantes de petits mammifères capturés, les campagnols roussâtres (Myodes glareolus), inféodés aux milieux boisés montraient des prévalences plus élevées pour ces agents que les mulots sylvestres (Apodemus sylvaticus), probablement en raison de différences spécifiques au niveau des défenses immunologiques.
En effet, ces deux espèces de rongeurs varient dans leur capacité à accueillir des tiques et à héberger des agents infectieux : les campagnols roussâtres sont de mauvais hôtes pour les tiques de l’espèce Ixodes ricinus (une des espèces de tiques qui véhiculent le plus fréquemment certaines maladies infectieuses transmissibles à l'homme comme la maladie de Lyme) ; mais ils sont au contraire de bons hôtes réservoirs pour A. phagocytophilum et B. burgdorferi. Cette étude a permis de montrer que c’est plutôt le contraire pour les mulots. Cette variabilité rend complexe l’analyse des modalités de diffusion de ces agents infectieux transmis par les tiques dans la communauté de ces petits mammifères.
Pour compliquer encore les processus, des espèces de tiques endophiles3 qui sont moins abondantes qu’Ixodes ricinus (et donc moins facilement dénombrables), comme Ixodes trianguliceps ou Ixodes acuminatus, peuvent jouer un rôle important dans le maintien des cycles d'agents infectieux au niveau local ; tandis qu’Ixodes ricinus, quant à elle, servirait principalement de pont entre les différents hôtes réservoirs et les humains.
L’étude montre donc qu’il est important de considérer l'ensemble des espèces d’hôtes et de vecteurs ainsi que leurs interactions mutuelles et avec les agents infectieux pour mieux comprendre et modéliser la dynamique des maladies infectieuses à tiques. Les petits mammifères montrent par ailleurs des fluctuations cycliques interannuelles importantes de leur population. Ces fluctuations induisent une variation de la charge parasitaire en tiques (nombre de tiques par individu), un élément clé de la dynamique de transmission des agents infectieux et de la fréquence des cas de coinfection des tiques.
Le contexte spatial, comme l'hétérogénéité et la connectivité du paysage, qui n'ont pas été pris en compte dans cette étude, peuvent aussi structurer la composition de la communauté, l'abondance et la dispersion des hôtes et des vecteurs, et donc indirectement impacter le taux de transmission et la diffusion des agents infectieux. Le fait qu'environ un quart de la variation de la probabilité d'infection par A. phagocytophilum dépende du site d'échantillonnage semble particulièrement favorable à une telle hypothèse. Des analyses se concentrant sur cette variabilité spatiale des prévalences ont donc été conduites et devraient bientôt être publiées.
Contact OSUR
Grégoire Perez (ECOBIO, INRA/Oniris/BIOEPAR) / @
Alain Butet (ECOBIO) / @
Alain-Hervé Le Gall (multiCOM OSUR) / @