ARTICLE DANS QUATERNARY INTERNATIONAL
Les occupations discontinues de néandertaliens en Bretagne et leurs disparitions temporaires de nos latitudes a généré de nombreuses hypothèses : manque de nourriture, empoisonnements, problèmes de naissances, problèmes génétiques, épidémies, variations brusques du climat, désastres naturels, attaques par des animaux, rivalités avec l’homme moderne, communautés trop petites etc.. Un article publié dans Quaternary International en février 2019, avec notamment Jean-Pierre Lefort et Jean-Laurent Monnier (CReAAH), démontre pour la première fois que ces disparitions étaient probablement d’ordre climatique et liées à des paramètres astronomiques tels que l’insolation et la précession.
La production totale de coquilles typiques de l'association à Pupilla (mollusque gastéropode qui constitue un marqueur important pour le Pléistocène européen) prélevées sur le site côtier de Nantois (Baie de Saint Brieuc, Bretagne, France) a mis en évidence pour la première fois quatre épisodes de légers réchauffements humides et brefs au moment du dépôt des loess pendant la période glaciaire « MIS 6 ». Le loess est une roche sédimentaire meuble déposée au cours d'une période froide de l'histoire récente de la Terre. Elle est formée par l'accumulation de particules fines déposées par le vent et issues de l'érosion des régions désertiques périglaciaires, en l'occurrence de la Manche occidentale qui était alors à sec.
Ces légers réchauffements sont d'autant plus remarquables qu'ils sont intervenus au Saalien Supérieur, nom donné en Europe à l'avant-dernière glaciation Quaternaire qui a duré de -190 000 à -130 000 ans.
Des améliorations climatiques ont également été observées, à la même époque, dans des dépôts marins de la mer Celtique. L’étude des variations contemporaines du niveau de la mer montre que les épisodes de "réchauffement" n'étaient pas seulement régionaux mais correspondaient à des événements globaux régis par les cycles astronomiques de précession (mouvements liés à l’inclinaison de l'axe de rotation de la Terre) et d'insolation (intensité du rayonnement solaire) qui conditionnaient alors la température à la surface du globe.
Des comparaisons avec des marqueurs biologiques tels que des mollusques marins et continentaux, des végétaux (actuellement trouvés sous forme charbons de bois) ou des rongeurs, préalablement étudiés dans le Bassin de Paris (Villiers-Adam) et sur l'île de Jersey (La Cotte de Saint Brolade), confirment l'existence de ces courts événements climatiques.
Des corrélations entre l’âge des traces archéologiques montrant la présence discontinue des néandertaliens en Bretagne et les périodes d’amélioration climatique, suggèrent que ces populations ne devaient migrer vers la Bretagne et l’Europe occidentale que lors de ces courts épisodes de climat plus clément.
Référence
J.P. Lefort, G.A. Danukalova, F. Eynaud, J.L. Monnier, Onshore and offshore evidences for four abrupt “warming” episodes during MIS 6 at the westernmost tip of continental Europe: did they control the migrations of Neanderthals?, Quaternary International, 2019, https://doi.org/10.1016/j.quaint.2019.02.024.
Contact OSUR
Jean-Pierre Lefort (CReAAH) / @
Alain-Hervé Le Gall (multiCOM OSUR) / @