Article dans STOTEN
Les langues non anglaises enrichissent les données scientifiques. Par exemple, lorsque les chercheurs estiment les coûts économiques des espèces exotiques envahissantes, inclure 10 langues différentes ajoute plus de 200 milliards de dollars par rapport aux données en anglais. L'étude est publiée en mars 2021 dans STOTEN Science of the Total Environment, pilotée par Elena Angulo et Franck Courchamp (Université Paris-Saclay, CNRS, AgroParisTech), et dans laquelle on retrouve également David Renault (Université de Rennes 1, ECOBIO, IUF).
[source : INEE CNRS]
Les déplacements internationaux de l’Homme et de ses marchandises a pour effet secondaire de déplacer des milliers d’espèces dans de nouveaux écosystèmes, parmi lesquelles certaines s’installent, prospèrent et causent des dégâts. La science étudie et communique sur le sujet, mais toujours en anglais. Mais est-ce qu’elle prend en compte toutes les informations disponibles ?
Pour répondre à cette question, les écologues Elena Angulo et Franck Courchamp de l’Université Paris Saclay ont mené un groupe de jeunes scientifiques de 18 pays différents à la recherche de données des coûts des espèces envahissantes. Chaque expert s’est dévoué à chercher les coûts existants dans tous les pays où sa langue native est parlée.
Dans un article publié en mars 2021 dans le journal Science of the Total Environment, cette équipe internationale a pu alors mettre en évidence la surprenante richesse des informations en langues non-anglaises. Partant d’une base de données pourtant déjà riche de près de 2500 coûts, l’équipe a mutliplié par quatre les données grâce à ces autres langues; ils ont également trouvé des coûts pour plus de 240 espèces nouvelles, et pour 15 pays où il n’y avait pas des coûts reportés en anglais. Alors, dans quelle langue la science parle-t-elle ?
« Lorsque l’on a lancé cette étude, on espérait enrichir notre base de données de quelques pourcents, 10% tout au plus » explique Franck Courchamp ; « l’augmenter de 300% a été une réelle surprise : même nous avons été sidérés par l’ampleur des données scientifiques existant dans d’autres langues que celle qui sert classiquement à véhiculer la science, l’anglais ».
Les auteurs insistent sur la nécessité de ne pas négliger les langues non-anglaises dans les synthèses ou méta-analyses globales. Du français à l’espagnol et au portugais, en passant par l’allemand, le hollandais et le grec, mais aussi le russe, l’arabe, le chinois ou le japonais, des coûts ont été trouvés dans presque toutes les langues recherchées. En plus d’une science sans frontières linguistiques, les auteurs ont montré l’importance du langage pour une communication efficace entre tous les acteurs qui travaillent avec les espèces exotiques envahissantes : experts scientifiques et experts professionnels de la gestion sur le terrain.
Elena Angulo, auteur principale de l’étude conclut : « une information globale fiable nécessite donc une information multi langues et multi acteurs. En ce qui concerne nos travaux, c’est la base d’une meilleure compréhension du coût des espèces envahissantes, pour informer correctement les plans de gestion de ces espèces au niveau mondial ».
Référence
Angulo E, Diagne C, Ballesteros-Mejia L, Adamjy T, Ahmed DA, Akulov E, Banerjee AK, Capinha C, Dia CAKM, Dobigny G, Duboscq-Carra VG, Golivets M, Haubrock PJ, Heringer G, Kirichenko N, Kourantidou M, Liu C, Nuñez MA, Renault D, Roiz D, Taheri A, Verbrugge L, Watari Y, Xiong W, Courchamp F. (2021) Non-English languages enrich scientific knowledge: the example of economic costs of biological invasions. Science of the Total Environment. doi.org/10.1016/j.scitotenv.2020.144441
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Contact OSUR
David Renault (Université de Rennes 1, ECOBIO, IUF) / @
Alain-Hervé Le Gall (OSUR multiCOM) / @